Stanislas Nordey revient au Rond-Point avec "Je suis Fassbinder", spectacle créé il y a trois ans au TNS en complicité avec l'auteur et metteur en scène allemand Falk Richter. Vague de migrants accueillis en Allemagne, montée des extrêmes droites européennes, comment aurait réagi le réalisateur Reiner Maria Fassbinder s'il était encore parmi nous ? Trois ans plus tard, alors que la France est bouleversée par un mouvement social sans précédent, la pièce vibre de manière renouvelée.Rond-Point – Vous présentez "Je suis Fassbinder"... Mais y-a-t-il un rapport avec Fassbinder ? Lequel ?Stanislas Nordey – Toute la matière du spectacle, c’est Fassbinder. Et avec lui, son œuvre, sa parole et les années soixante-dix. La liberté de cette époque. C’est un créateur libre dans sa manière d’évoquer l’intime, le politique, de mêler les deux. Au cœur du spectacle, il y a un film de Fassbinder sorti en 1977, L’Allemagne en automne, c’est l’un des moteurs du travail. Dans ce film court, il se met en scène lui-même avec sa mère et son amant, au moment des affaires de la Fraction Armée Rouge. Cette conversation dans la cuisine est une matrice centrale de la pièce. À ce dialogue tiré du film, s’ajoute une recherche documentaire que Falk Richter nous a demandé de fournir : lire toutes les interviews, voir tous les films, lire ses pièces. Il y a des scènes entièrement décalquées des films et des situations imaginées par Fassbinder, réécrites par Richter. La pièce parle bien sûr de Fassbinder, comme elle parle de Richter, de nous tous... C’est un point de rencontre, qui a d’ailleurs failli s’intituler Je suis Falk Binder, puisque c’est une intersection entre ces deux hommes, auteurs de théâtre et de cinéma...
Rond-Point – Ici, tout est politique, tout l’était à la création, texte écrit presque au jour le jour pour sa représentation... Est-ce encore le cas ? Qu’est-ce "Je suis Fassbinder" a à nous dire d’aujourd’hui ?Stanislas Nordey – Est-ce que "Je suis Fassbinder" a vieilli depuis sa création ? Je ne crois pas. On a eu cette angoisse lors de la reprise, au moment de la tournée du spectacle. Mais l’actualité n’a pas cessé de nous rattraper. Dans le spectacle, il est beaucoup question du harcèlement sexuel. À la création, quand la pièce s’est écrite, l’affaire Weinstein n’avait pas éclatée. Je suis Fassbinder connaît aujourd’hui d’autres résonnances, et le spectacle raisonnera sans cesse différemment. Falk Richter écrit à partir d’aujourd’hui, mais c’est un aujourd’hui large, vaste, ouvert. Il écrit sur les migrants, la crise des réfugiés. Mais il est écrivain, il n’est ni chroniqueur ni journaliste. Il aborde ses sujets en profondeur, il ne s’intéresse pas à l’anecdote.
Interview texte par Pierre Notte.Propos vidéo recueillis par Jean-Daniel Magnin
Je suis Fassbinder - Théâtre du Rond-Point Paris