Jean-Daniel Magnin — J’ai eu la chance d’avoir exercé trente-six métiers parallèlement à ma vie d’écrivain de théâtre, à tous les échelons et dans tous les secteurs. Mais c’était avant la mise en place de cette méthode de domination appelée le benchmarking, avec ses coachs-évangélistes, ses autoévaluations mutilantes, la recherche de la qualité zéro défaut qui contrôle, compresse et parfois tue. Si vous désirez en savoir plus, et si vous avez les nerfs solides, regardez sur le Net la formidable série documentaire La Mise à mort du travail de Jean-Robert Viallet, et aussi les analyses accablantes du psychiatre du travail Christophe Dejours.
La leçon que j’en tire ? La pièce campe un monde où les revendications syndicales, la défense des droits sont oubliées ou perçues comme obsolètes. C’est la maladresse du héros qui va provoquer des catastrophes et révéler la souffrance de chacun au sein de l’entreprise. Je ne suis pas optimiste quant à la résistance possible dans le monde du travail, mais je crois à une chose qui grippera à un moment ou un autre la machine, une chose qui réside au fond en chacun de nous : la paresse et la lâcheté, un peu comme autrefois dans le monde soviétique... Cette pièce n’est pas un constat ni une leçon sur notre rapport au travail, mais plutôt une vision tendre et comique qui va contribuer, je l’espère, à nous rassembler un instant autour de cette question. Qu’est-ce qui est pire ? Travailler, ou ne pas travailler ? Je ne pense pas que la question soit celle du travail, mais plutôt celle de l’emploi. Dans le monde sans emploi et automatisé en train de se mettre en place, tout un chacun devrait pouvoir s’adonner sans souci à l’activité qui le motive et le fait grandir. Qu’il s’agisse d’art, d’engagement associatif, de bricolage ou d’agriculture, peu importe. Il faut regarder vers les pays qui commencent à mettre en place un système de revenu garanti minimum, et considérer l’émergence croissante d’initiatives expérimentant une économie contributive qui permettrait à chacun de se responsabiliser sur ces questions...
> en partenariat avec theatre-contemporain.net