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Revue en ligne du

Auteurs maison

Jean-Marie Gourio
Poème en forme de vélo

Je suis un poème

En forme de vélo

Une roue devant

Une roue derrière

Un guidon

Deux pédales

Une sonnette

Qui fait dring dring

Je suis un poème

En forme de vélo

Un poème sans frein

Qui roule

Roule

Roule

Roule

Roule

Roule

Sans pouvoir s'arrêter

Je suis un poème sans frein

Qu'on arrête avec les pieds

Franchement y'a mieux comme poème

Pour faire le Tourmalet


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 Auteurs maison 
Le 08/06/2015
De qui se moque-t-on?
7. L'oiseau
Faudra-t-il que nous soyons jusqu’au bout puis au-delà encore – sous la terre couchés –, faudra-t-il, même quand notre vaillante foulée nous conduit aux cimes les plus hautes, faudra-t-il, d’une aube à la suivante, incessamment, faudra-t-il que nous soyons survolés par des piafs ? N’avons-nous rien de mieux à faire de l’infini qui nous surplombe qu’y regarder sourdre puis s’évanouir l’oiseau insensé ? Quoique empenné du croupion et le bec fort pointu, il ne se connait ni archer ni cible et nulle raison donc d’ainsi fendre l’air en sifflant comme une flèche. Pourquoi vole-t-il enfin ? Mais parce que volent le moustique et le moucheron qui lui sont chips et tartelettes – est-ce cependant un suffisant motif pour s’arracher à l’attraction terrestre au mépris des lois physiques les plus élémentaires ?      

Or jamais oiseau dans le ciel virevoltant n’a découvert une lune ! Il y aurait au firmament aussi peu d’étoiles que dans la tanière de l’ours à en croire l’astronomie aviaire. À quoi bon l’oiseau décidément si ce n’est comme torchecul, en quel emploi Gargantua lui-même ne lui connaissait rien de supérieur ? Nuançons cependant ses conclusions : il se publie presque quotidiennement en France des romans mieux indiqués encore pour cet usage ; à défaut d’autres qualités, celle-ci n’est pas négligeable et je pourrais citer ici bien des plumes contemporaines qu’il conviendrait de réserver strictement à cela. C’est misère en effet de les voir s’astreindre à d’autres besognes alors qu’elles sont si douées pour celle-ci – quel gâchis ! Et pourquoi dans ce pays ne peut-on vivre honnêtement de ce que l’on sait faire ?       L’oiseau pour sa part fait un frugal poulet rôti et c’est à peu près tout (notez que la garniture de pommes frites ou de haricots n’est même pas fournie : cette mesquinerie constitue le trait le plus flagrant de l’animal). Je suppose que personne ne va m’opposer ses prétendus talents de chanteur et de mélodiste ? Il faut n’avoir jamais eu un geai dans son chêne, une fauvette dans sa haie, une mouette sur son mât ou une ronde de corneilles autour de son clocher ! Ce ne sont que criailleries, jacasseries, sinon d’affligeants et répétitifs pipeaux moins inspirés qu’un sifflet de garde-champêtre.      

L’oiseau serait joli ? J’admets qu’il en existe de bien criards. Les autres sont lugubres et s’ils se perchent parfois sur notre épaule, c’est que nous avons fait une partie du chemin en nous élevant dans les airs au bout d’une corde. La Ballade des pendus nous apprend tout ce qu’il faut savoir en matière d’ornithologie. La colombe de la paix elle-même, quand on y regarde de près avec la loupe idoine, possède des pattes de vautour.      

Alors que faire ? Nous pourrions être tentés de rejoindre les rangs des chasseurs. Ce serait oublier pourtant que ceux-ci élèvent et engraissent eux-mêmes perdrix et bécasses afin de les tirer plus à l’aise quand elles viennent picorer la farce dans leurs mains et qu’ils attirent avec des leurres les canards sauvages dans nos paisibles marais. Le chasseur est l’ami des oiseaux, il aime à le répéter, son carnage automnal relève du crime passionnel. Nous ne saurions l’encourager dans cette voie : il y entre encore trop d’amour. La plume s’éparpille aussi quand le plomb crève l’édredon de l’épouse pourvue de deux paires de pieds. Non. Fermons plutôt les yeux, bouchons-nous les oreilles, ignorons l’oiseau. Que notre mépris et notre indifférence soient tels qu’ils achèvent de volatiliser complètement les volatiles ; alors il nous sera permis d’éprouver – sans craindre qu’un coup d’aile nous les dérobe ou qu’un coup de bec cruel soudain nous détrompe – la douceur des choses délicatement enfouies sous les cendres et les mousses de ce bas monde.
 
 Auteurs maison 
Le 20/07/2013
"Catapulte"
Les mots que j'aime et quelques autres
La catapulte me manque. Il y a de la jouissance à tendre cette machine de guerre, à y placer avec délice un projectile de granit et soudain libérer le ressort, puis regarder s'envoler la pierre vers la muraille ennemie qu'elle va effondrer. Cette lente préparation au jaillissement du projectile, la tension progressive vers la violence du jet, la cérémonie des préliminaires raffinés et précis qui augmentent peu à peu la puissance de l'engin jusqu'au tir libérateur, devaient donner un plaisir infini aux soldats qui servaient cette arme. Faites l'amour pas la guerre. Les catapulteurs faisaient les deux.
 
Extrait de Les mots que j'aime et quelques autres © Points 2013
 
> Le livre sur le site de l'éditeur
 
> Le livre sur le site du Rond-Point des Livres
 
 Auteurs maison 
Le 20/03/2015
Moi bis
On a choisi un certain Rubin ou Robin pour me remplacer sur toutes les photos. C’est ce que je demandais depuis des années. On aura finalement compris le gain à présenter le portrait de quelqu’un de plus jeune et d’une beauté plus accessible pour donner à la presse. Un peu figé à mon goût, mon double figure toujours de trois-quarts face, l’œil fixant l’objectif avec une inquiétude, qui est la mienne, me fait-on remarquer. Dans les interviews, il garde la même pose, comme s’il avait peur de perdre la ressemblance et c’est dommage. Il me fait tellement penser à moi que je ne me regarde plus dans le miroir, mais vérifie plutôt sur lui à qui je ressemble. Toujours en quête de la bonne coupe de cheveux, du bon geste, du bon ton, de la phrase juste, d’une position stable pour sa main, je vois là également un grand avantage à pouvoir copier manières et reparties. Je ne me ronge plus l’ongle ni ne me mange la lèvre ni ne transpire à chercher pourquoi j’ai écrit ça ou ça, et pourquoi ce titre, et pourquoi ce personnage. C’est mon avatar qui monte au créneau. Cette grande tension souvent qui naît lorsque je commence à m’exprimer et qui fige les gens, il ne l’a pas du tout. Très sérieux avec ses sentiments, il se jette dans le propos et qu’importe son interlocuteur, il démarre au moindre mot, enfourche les phrases et s’emballe. Je trouve le procédé un peu spectaculaire, mais c’est peut-être ainsi qu’on vend. Au reste, moi seul y décèle un procédé, car les journalistes et le public y saisissent plutôt la profondeur, l’exigence, l’urgence, l’obsession d’un homme engagé totalement dans son travail : une telle ferveur, un tel vécu. Ce qui est effrayant c’est qu’on a choisi également de m’appeler autrement pour les besoins de la cause (vendre plus, renouveler mon image, dépoussiérer mon écriture, varier la réception) et on me nomme Alistair Sullivan (révérence voilée à Boris Vian ?). On ne se demandait pas si je pouvais arrêter d’écrire ; il semblait que, puisque je n’arrêtais pas d’écrire en dépit des fiascos, il fallait mettre en place un système de lente déviation. Parfois, généralisait-on, l’écrivain juge bon de modifier son accueil en adoptant un pseudonyme pour promouvoir un nouveau style, déjouer l’attente. On aura voulu avec moi conserver un acquis tout en activant une dynamique inutilisée : capitaliser. J’ai toujours pensé qu’on acceptait de me publier pour se débarrasser de moi sans trop comprendre même ce qui m’amenait à une telle pensée : certes, j’ai insisté ; j’ai connu de nombreux refus ; cependant l’éditeur qui publie mes livres depuis plusieurs années aurait très bien pu cesser de le faire, arguer des méventes car je suis un gouffre, certes, un petit gouffre, mais un gouffre ; une publication occasionne des frais. Pourquoi continuer ? Peut-être poursuit-il avec moi une action commencée ? ou bien veut-il m’empêcher de partir (je n’ai jamais songé à quitter mon éditeur) ? Alors voilà : peut-être continue-t-on de me publier pour étouffer ce que j’écris, m’étouffer jusqu’à la paralysie. C’est une question d’années. On attend un choc émotionnel, un sursaut d’orgueil. Tant de livres passés à la trappe ! On continue donc d’éditer mes livres pour se débarrasser de moi. En tant qu’écrivain confirmé (c’est ainsi qu’on cerne mon statut), je n’offrais plus aucun angle d’attaque ou de préhension : j’étais un savon. On aura sans doute radicalisé la métaphore du produit en ajustant les techniques de marketing à la demande : du neuf, on veut du neuf. Moi comme produit, c’est faire du neuf avec de l’ancien. Nouvelle image, nouveau nom. Il fallait s’y attendre, mon écriture, elle aussi, a changé. Je ne saurais trop dire en quoi, ni comment, mais on me fait remarquer que je vais plus directement au sujet, que je ne me perds plus en digressions, que les textes sont plus ramassés, que les éléments biographiques sont plus nombreux. Ce dernier point m’épate. Mon directeur littéraire qui me porte depuis le début, c’est-à-dire depuis des années, me confirme ces bouleversements et en est très satisfait. Les chiffres sont là. Les ventes ont décollé. C’était à ce prix, sans doute, qu’il me fallait continuer. Ce que l’auteur craint le plus — être un autre, vendre son âme au diable —, je dois m’en féliciter, car c’est tout bénéfice. Je ne sais plus trop qui écrit à présent et on compare mes livres autant à ceux d’Eric Chevillard qu’à ceux d’Alexandre Jardin. Brusquement, je m’en rends compte, par sollicitude, gentillesse, hommage caché, on a, avec ce nom d’Alistair Sullivan, conservé mes initiales. Il est évident que, grâce à cette renaissance, j’en ai appris beaucoup à mon sujet. Et ce n’est pas terminé.
 
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